Au diable, le vedettariat !
- lespetitsmotsdecar
- 5 mai 2024
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Dernière mise à jour : 4 juin 2024
Jacques T.

Voilà notre vraie richesse, la vraie manière d'être quelqu'un : être quelqu'un pour quelques-uns. Au diable le vedettariat !
Au décès de ma mère en 2009, je me souviens d’avoir eu la réflexion que je perdais un être cher, une personne pour qui je comptais, qui avait pour moi un amour inconditionnel, ma première fan !
Après avoir écrit ces quelques lignes, j’ai ressorti le cahier des témoignages que ses proches avaient écrits pour les funérailles. J’avais oublié à quel point elle avait été importante pour autant de gens. J’en ai eu les larmes aux yeux.
Un proverbe marocain dit : Si tu ne peux pas être une étoile au firmament, sois une lampe dans ta maison. Ma mère a été une étoile au théâtre tout en rayonnant dans sa classe, puis elle a choisi d’être une lampe à la maison, tout en éclairant doucement partout où elle passait.
Je parle souvent de la lumière et je comprends aujourd’hui d’où me vient ce besoin de transmettre cette passion pour la vie qu’elle nous a laissée.
J’ai été une enfant timide à l’extérieur de chez moi et je n’ai pas cherché à occuper le devant de la scène. Comme le dit Jacques T. : Au diable le vedettariat ! Cependant, j’ai toujours voulu faire une différence dans la vie des gens qui étaient autour de moi. Ma famille, mes amis, mes élèves, mes collègues les plus proches, les gens que j’accompagne. Les gens pour qui je compte.
Comme dans l’histoire de Jack Canfield et Mark Victor Hansen dans laquelle un homme remettait à la mer, une à une, les étoiles échouées sur le sable, je fais ma part en donnant le meilleur de moi à chacune des personnes que je croise, et ceci un jour à la fois. De plus, je pense sincèrement que je ne suis pas la seule à le faire.
Caro
Pour aller un peu plus loin...
Pour ma mère
Ma mère avait plusieurs passions, on peut dire qu’elle a eu plusieurs tranches de vie. Aînée d’une famille de six enfants, elle s’occupait de ses frères et sœurs pendant l’été lorsque sa mère travaillait aux cuisines de l’hôpital à Sherbrooke. À seize ans, elle est devenue pensionnaire à l’école normale pour devenir institutrice.
Elle a commencé à enseigner à dix-huit ans dans une école de rang, puis à Sherbrooke au primaire, dans une école de filles pendant une douzaine d’années. J’ai parlé à une de ses anciennes élèves dernièrement. Elle me racontait comment un jour, alors qu’elle était tombée, le regard de ma mère, plein de bonté lui avait fait ressentir qu’elle était une personne importante.
J’ai reçu plein de témoignages de personnes chez qui elle a laissé sa marque. Je les ai rassemblés dans un cartable que vous retrouverez sur la table. J’ai laissé des feuilles si vous voulez y joindre le vôtre. Cela nous fera un souvenir précieux. Elle qui était passionnée par la langue française, aimait lire et avait le souci du respect de la langue parlée et écrite. D’ailleurs, elle donnait aussi des cours de diction privés.
Dans la vingtaine, elle avait plusieurs amis avec qui elle allait au cinéparc aux États-Unis, faisait de la randonnée pédestre et allait au bal. Elle avait une superbe robe longue en soie bleue et une autre noire avec une étole noire et rouge qu’elle portait avec des gants rouges. Elles sont tombées entre mes mains vers l’âge de dix ans. Elles ont eu une deuxième vie…J’ai joué aux grandes dames avec mon amie Marie-France très longtemps.
Parallèlement à l’enseignement, elle a aussi fait partie d’une troupe de théâtre semi amateur qui faisait des tournées à travers le Québec pendant l’été. Elle s’y est beaucoup réalisée pendant une dizaine d’années. Elle a joué quelques années avec Jean Besré. Il a même été question qu’elle fasse de la télévision et plus tard qu’elle prenne la direction de la troupe.
Mais d’autres défis l’attendaient. Mon père a eu un poste à Granby, j’y suis née. Puis, ils sont déménagés à St-Léonard et finalement sur la rue Notre-Dame à Laval. Ma sœur y est née. Ma mère supervisait la gestion de la compagnie de distribution de circulaires de mon père dans le sous-sol. Mes parents ont alors acheté la maison sur la rue De l’Élysée où la compagnie occupait la moitié de la maison. Mon frère y est né.
Ensuite ma mère a commencé à garder des enfants à la maison pendant une dizaine d’années, puis au domicile des gens. Des amitiés avec les mamans se sont créées. Certains de ces enfants et de ces mamans sont ici aujourd’hui.
Elle a surveillé les dîners à l’école de quartier à Laval. Elle a été bénévole à la bibliothèque de Bois-des-Filion, puis de Repentigny quand ils y sont déménagés. Elle a fait partie d’un club de pétanque, elle était même assez bonne. Ces dernières années, elle faisait partie d’un club de marche. Elle marchait quatre kilomètres tous les jours jusqu’à soixante-quinze ans. Même après son opération, elle y est retournée et a recommencé à faire de la bicyclette. Elle aimait beaucoup la nature, tondre le gazon et ramasser les feuilles.
Elle a semé de l’amour et récolté des amies tout au long de ce parcours. Elle n’en avait pas une multitude, mais elles étaient précieuses et celles-ci m’ont toutes dit comment sa joie de vivre était contagieuse, qu’elle était un modèle de courage et comment elles perdaient un gros morceau avec le décès de leur Jocelyne.
C’est une grande perte pour moi aussi. Ma mère a toujours été disponible pour m’écouter à tous les moments de ma vie. Elle m’a toujours fait confiance et laissé être moi-même. Elle m’a laissé faire des échanges à l’extérieur et accueilli ces jeunes avec qui j’avais voyagé.
Par son exemple, elle m’a transmis certaines valeurs, certains principes que j’intègre du mieux que je peux ; l’honnêteté, l’équilibre, la gentillesse, la serviabilité, l’amour des enfants, la force d’un couple, le plaisir de la lecture, la précision du langage, l’intégrité, le courage de faire ce qu’on a à faire, la fierté de travailler, la bonne volonté, la persévérance, la confiance et l’ouverture d’esprit.
Lorsque nous avons appris le retour du cancer cet été, nous nous sommes mobilisés pour profiter du temps de qualité qu’il nous restait ensemble. J’ai beaucoup apprécié d’avoir eu le temps de lui dire tout mon amour, de lui avoir fait mes adieux alors qu’elle était encore lucide. Je suis très fière de l’implication de mon père, de ma sœur et de mon frère dans cet accompagnement de ma mère vers la mort. Je remercie tous les gens qui nous ont soutenu chacun de notre côté.
Je crois que d’avoir pu revoir une dernière fois la plupart des gens significatifs pour elle lui a permis d’accepter et de mieux vivre ce dernier bout de la vie où elle a dû tout laisser derrière elle. Elle est partie en paix. Comme dit mon mari, elle nous a appris à vivre, elle vient de nous apprendre à mourir.
Caroline Ruel
Texte que j’ai écrit et lu lors des funérailles de ma mère en décembre 2009.
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