Ce n'est pas le temps qui arrange les choses. C'est plutôt le travail sur soi qui a besoin de temps pour s'accomplir convenablement.
- lespetitsmotsdecar
- 12 janv.
- 4 min de lecture
Association des endeuillés par suicide de la traverse

Ce n'est pas le temps qui arrange les choses. C'est plutôt le travail sur soi qui a besoin de temps pour s'accomplir convenablement.
Dans son livre Blast, Véronique d’Anjou raconte l’impact du suicide de son père alors qu’elle était âgée de neuf ans. J’ai été troublée par son histoire et conquise par son style littéraire.
Véronique est une ancienne collègue que j’appréciais particulièrement pour son engagement et ses compétences auprès de ses élèves et dans la vie de l’école. Cependant, je n’étais pas assez proche d’elle pour connaître sa vie. Je savais qu’elle écrivait bien. Je n’ai pas été surprise qu’elle publie un livre, mais j’ai été estomaquée par la teneur de celui-ci.
Je ne connais personne dans mon entourage immédiat qui a pensé au suicide et qui soit passé à l’acte. Il y avait un moniteur de camp de jour avec qui j’ai travaillé pendant un été et qui habitait sur la rue voisine. Il était sympathique, mais il ne se faisait pas beaucoup confiance. L’année suivante, quand j’ai appris qu’il s’était enlevé la vie, j’ai regretté de ne pas l’avoir encouragé davantage. Je me souviens aussi que sa mère était furieuse contre lui, impuissante face à cette épreuve.
Des gens proches de moi ont eu des idées suicidaires en période de dépression. Ils se sont abstenus de passer à l’acte en pensant à leurs enfants. Le suicide peut avoir un impact sur trois générations. Les antidépresseurs et une psychothérapie leur a permis de traverser ces moments difficiles. Le suicide ajoute une difficulté supplémentaire au deuil et à la souffrance pour les personnes qui restent.
Perdre un enfant est aussi une épreuve dont on se remet difficilement. En l’espace de quelques années, quatre personnes que je connais bien ont perdu leur enfant de façon subite. Ces derniers avaient entre dix-sept et vingt-deux ans. La vie de leurs proches s’est mise sur pause. J’avais connu ces jeunes. Un d’entre eux était un ancien élève de ma classe. Ils avaient environ l’âge de ma fille.
J’ai été témoin de la souffrance des parents. J’étais plus proche de leur mère. Je les ai écoutées, je ne savais pas quoi faire d’autre. Je les ai encouragées à vivre leur peine, à rechercher des ressources pour partager avec d’autres personnes qui avaient traversé cette épreuve.
Je les ai vu souffrir au plus profond de leur âme. Je les ai vu faire preuve de courage pour continuer à avancer et tenter d’être là pour leur mari, leur fils, leur fille qui eux étaient bien vivants et en détresse. Je les ai vu trouver refuge à travers la peinture ou l’écriture pour donner un sens à cette perte.
Les parents sont restés ensemble, ce qui n’est pas toujours le cas quand on vit un tel drame. La blessure finit par se refermer, bien que la douleur reste à fleur de peau et que la cicatrice reste toujours présente sans être nécessairement visible.
La perte peut aussi être liée à une personne, à notre travail, à la maladie, à notre autonomie, financière ou amoureuse. Parfois, elle finit par nous rapprocher de notre moi authentique et développe notre gratitude pour les aspects positifs de notre vie. On éprouve un sentiment d’unité en soi et avec le monde. En émergeant de la noirceur, on commence à percevoir la lumière au bout du tunnel. Le travail sur soi s’accomplit.
Caro
Pour aller un peu plus loin...
Les lucioles p. 74-76 avec l'aimable permission de Véronique
Pendant ces années interminables, entre l’école buissonnière, les mentions d’honneur, les games de basketball rédemptrices, les amitiés soutenantes, les cours sans fin , les rencontres avec le directeur, les prix littéraires et les centaines d’heures passées au fon d’un autobus débordant de jeunesse et de vie, je me suis terrée derrière des murs immenses.
Je me suis construit une palissade pour me protéger des vents violents et glaciaux franc nord en provenance de mon passé. Pour éviter de me retrouver à l’ouest. Ces bourrasques ramassaient tout sur leur passage. Elles ravageaient et saccageaient. Je me suis mis à l’abri dans mon Fermont intérieur. J’ai attendu que ça se calme.
Chez la plupart des gens, c’est le corps qui part en premier. Parfois, c’est la tête. Moi, c’est mon cœur qui m’a quittée. Trop vite. Trop tôt. Je suis désormais coincée avec mon corps. Avec toute ma tête.
Les secondes de ces dernières années se sont égrenées à la vitesse d’un escargot gériatrique. Ma vie était fucking lente ! La réalité d’un côté et ma survie de l’autre.
je suis ce mollusque
qui s’accroche dans l’ouragan
par réflexe plus plus que par désir réel
maintenir fermement l’oreiller
faire taire cette voix
l’observer se débattre
cette envie de fuir
courir
à en perdre haleine
les semelles collées
sur la ligne double
rayons jaunes qui filent
vers le loin
vers demain
traverser le parc La Vérendrye
et émerger
enfin
Parfois, le temps d’une respiration, je sens qu’il reste un brin d’autre chose enseveli sous les plaies et le silence. Quelque chose comme un mélange de cran et d’émerveillement. Comme des petites lucioles d’espoir qui flashent de temps en temps. Lumineuses et discrètes. Éparses et imprévisibles. Trop vite pour que j’en capte l’essence, mais assez pour que je sache qu’elles existent.
des petites bouffées d’air
d’air de rien
et d’air d’aller
Vous pouvez aussi aller lire un autre extrait de son livre dans l'article suivant : https://sophielit.ca/critique.php?id=3115
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