L'amour avec un grand M
- lespetitsmotsdecar
- 10 déc. 2023
- 4 min de lecture
William B. Davidson

L'amour avec un grand M, ça peut paraître étrange, mais quand on y réfléchit, c'est une façon d'aimer qui est plus mature.
Il y a quelques jours, j’ai reçu une enveloppe avec des lettres que j’avais envoyées à ma cousine pendant notre adolescence et qu’elle a retrouvées parmi ses souvenirs. J’ai été surprise par les changements dans mon écriture d’une lettre à l’autre. J’imagine que cela révèle comment ma personnalité évoluait.
Une lettre de six pages rapporte avec précision la succession de rencontres avec un garçon avant de sortir avec lui, la routine qui s’est installée au fil des semaines et l’inquiétude que j’ai ressentie quand je n’arrivais pas à le joindre. Mon premier amour d’adolescence. J’avais quinze ans.
Quelques années plus tard, j’ai rencontré l’amour avec un grand A ! Nous étions éperdument amoureux l’un de l’autre, mais aussi dans un rapport fusionnel, dépendant affectivement l’un de l’autre comme se soutiennent les deux lignes du A.
Quand nous avons emménagés en appartement et que j’ai senti que je n’étais plus le centre de son monde (il avait ses études, ses amis, ses activités…), je me suis sentie dépouillée de quelque chose. Je me suis adaptée et j’avais aussi mon monde à l’extérieur de lui, mais bien que je l’exprimais moins, je vivais plus difficilement quand il partait. Même si ce n’était pas le cas, je me sentais abandonnée.
Au bout de cinq ans, nous nous sommes séparés. J’étais dévastée. J’ai essayé de remplir mon vide intérieur de différentes façons. Rien n’y faisait, mon gouffre affectif était comme une passoire. Mon rêve était brisé, la barre du A qui me soutenait était manquante. Jeannette Bertrand a écrit une série de télédramatiques sur l’amour avec un grand A. dans lequel elle a mis en relief la dépendance affective. Le visionnement de quelques épisodes m’a fait réaliser à quel point ce type de relation était pernicieux.
L’année suivante, attablés dans un petit café, un homme que je venais de rencontrer m’a demandé si j’étais heureuse. C’était la première fois qu’on me posait cette question de but en blanc. J’ai commencé à lui expliquer que je l’avais déjà été quand j’étais en couple…
Il m’a arrêtée et m’a dit que mon bonheur ne dépendait pas des autres ou des circonstances extérieures, mais de ma capacité à m’aimer moi-même ! Plus tard, il m’a expliqué que pour qu’une relation marche, les deux personnes devaient être capables de définir leur identité et de se tenir debout seuls avant de choisir de faire un bout de chemin ensemble. Il appelait ça l’amour avec un grand H.
J’avais fait la liste de ce que je recherchais chez un futur partenaire. Elle était longue… Il m’a demandé si je pouvais moi-même répondre à tous ces critères ! Il n’empêche que nous avons fondé une famille ensemble quelques années plus tard. Dans son livre, Ces amours difficiles, mais nécessaires, Josette Stanké explique comment, en développant chez soi ce qu’on recherche chez l’autre, on se perçoit enfin comme une personne entière au lieu de demander à l’autre de suppléer à nos manques.
Ce fût le début d’un long cheminement qui m’a mené non seulement à développer les parties cachées de moi-même, mais à m’aimer telle que je suis avec ma part d’ombre et à oser laisser tomber mes barrières.
Dernièrement, ma fille m’a partagé un tableau dans lequel on présente trois modèles dans les relations. En plus de celui avec un grand A et un grand H, il y avait l’amour avec un grand M.
Cela fait trente ans que mon mari et moi sommes mariés et je crois que nous sommes arrivés à nous aimer de façon plus mature, dans une interdépendance qui nous permet de prendre soin l’un de l’autre tout en restant authentiques.
Je devrais peut-être écrire une nouvelle lettre à ma cousine !
Caro
Pour aller un peu plus loin...
Une autre façon utile d'examiner les relations est de considérer le degré de dépendance dans la relation. Davidson (1991) propose trois modèles.
La relation A-frame est une relation dans laquelle les partenaires s'appuient l'un sur l'autre et dépendent fortement l'un de l'autre pour leur survie. Si l'un des partenaires change, l'autre risque de « basculer ». Ce type de relation ne peut pas facilement s'adapter au changement et les partenaires sont vulnérables en cas de changement. Une rupture pourrait être dévastatrice.
La relation H-frame est une relation dans laquelle les partenaires vivent des vies parallèles. Ils passent rarement du temps ensemble et ont tendance à avoir des vies séparées. Le temps qu'ils partagent est généralement consacré à répondre à des obligations plutôt qu'à partager des intimités. Ce type de relation indépendante peut se terminer sans souffrir émotionnellement.
La relation M-frame est interdépendante. Les partenaires ont un fort sentiment de connexion, mais sont également capables de se tenir seuls sans subir de dévastation. Si cette relation prend fin, les partenaires seront blessés et attristés, mais pourront toujours se débrouiller seuls. Cette capacité vient d'un fort sentiment d'amour-propre. Les partenaires peuvent s'aimer sans perdre le sens de soi. Et chaque individu a le respect de soi et la confiance qui enrichissent la relation tout en se renforçant.
Tout un plaisir de te lire Caroline ! En effet, il faut s'aimer soi-même avant toute chose, c'est la base de n'importe quelle relation