On pense souvent que pour être adulte, il faut être autosuffisant.
- lespetitsmotsdecar
- 25 févr. 2024
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Caroline Ruel

On pense souvent que pour être adulte, il faut être autosuffisant. Alors qu'être autonome, c'est aussi être interdépendant.
Ma mère m’a raconté qu’alors que nous étions en vacances au chalet de mes grands-parents, j’avais essayé de sortir le pédalo du lac toute seule. Je devais avoir sept ou huit ans. Ma grand-mère a fait remarquer à ma mère que j’étais trop petite pour accomplir cette tâche toute seule. Ma mère lui a répondu qu’elle pouvait bien aller m’en parler, cela ne changerait rien. J’étais encore dans ma période « Je suis capable toute seule. » J’y suis restée longtemps…jusqu’à ce que l’on me parle de la volonté déchaînée ! J’étais dans la vingtaine.
J’ai compris tôt que si je voulais quelque chose, il valait mieux que je m’en occupe moi-même. J’ai aussi pris les autres en charge et j’ai reçu de la reconnaissance pour cela. Une de mes amies m’a dit plus tard que lorsque nous étions plus jeunes et qu’elle venait dans ma famille, elle avait l’impression que j’étais la seule adulte de la famille. Je crois que c’était un peu exagéré, mais il est vrai que dans certains domaines, mes parents se sentaient dépassés.
Est-ce que je suis devenue adulte trop tôt ? Je dirais plutôt que j’ai tenté d’être autosuffisante dans plusieurs domaines de ma vie, surtout au niveau financier et professionnel. Au niveau affectif, je pouvais donner l’impression de n’avoir besoin de personne, mais quand je m’attachais à quelqu’un, j’en devenais dépendante. Alors, comment passe-t-on de : être autosuffisant à être autonome ?
« Dans son livre Trouver son propre chemin, Isabelle Filliozat explique les quatre étapes par lesquelles va passer l’enfant au cours de son développement. La dépendance, la contre-dépendance, l’indépendance et l’interdépendance. »
Nous vivons ces stades dans l’enfance, mais nous les reprenons tout au long de notre vie. De l’adolescence à l’âge adulte, au niveau professionnel, dans notre couple et dans différentes relations. L’interdépendance est un signe de maturité émotionnelle.
Je pensais que pour être une adulte, il fallait que je m’arrange toute seule. Mais être autonome, c’est aussi gérer mes émotions en les identifiant, en les reliant à mes besoins et en trouvant comment les combler. Parfois, je dois nommer ce besoin et demander à quelqu’un de m’aider à y répondre.
Caro
Pour aller un peu plus loin...
De l'indépendance à l'interdépendance, quatre étapes pour devenir un individu autonome, responsable de sa vie et de ses besoins.
QU’EST-CE QUE L’AUTONOMIE ?
Le mot autonomie vient des mots grecs autos (soi-même) et nomos ( la loi). Cela signifie donc la faculté d’agir par soi-même en se donnant ses propres lois, ses propres règles de conduite. Une personne autonome sait quelles règles, quelles valeurs elle respecte et pourquoi. Elle effectue ses choix de vie en fonction de ces valeurs et assume la responsabilité de ses décisions.
LES 4 ETAPES VERS L’AUTONOMIE
Comment atteindre cette autonomie ? Devenir autonome est un processus qui passe par différentes phases, toutes nécessaires et chacune structurant la suivante. Dans son livre « Trouver son chemin », Isabelle Filliozat explique les quatre étapes par lesquelles va passer l’enfant au cours de son développement.
La dépendance
La contre-dépendance
L’indépendance
L’interdépendance
La dépendance
Le nouveau-né est entièrement dépendant de ses parents pour subvenir à ses besoins. Il vit une relation fusionnelle avec sa mère et ne fait pas la distinction entre sa mère et lui-même. Il vit la relation comme une sorte de tout indifférencié. Il ne peut imaginer que sa mère mène une existence propre en dehors de lui et ait des sentiments et des pensées qui ne soient pas en permanence dirigés vers lui. A ce stade, le bébé est complètement centré sur lui et ses besoins.
La contre-dépendance
L’enfant sort peu à peu de la relation fusionnelle avec sa mère. Avec l’apprentissage de la marche, il découvre qu’il a une certaine autonomie motrice et qu’il peut diriger ses pas où bon lui semble. Il découvre ainsi qu’il est autre que sa mère et qu’il a sa volonté propre. C’est la phase du NON. Il s’oppose de façon systématique à sa mère. Par ses refus, il marque la différence entre ses désirs et ceux de sa mère. Il veut exister par lui-même, il veut affirmer son individualité. C’est une phase où l’enfant peut exprimer de la colère et se montrer agressif.
L’indépendance
L’enfant va de plus en plus vouloir prendre son indépendance. C’est l’étape où il teste ses limites et où il cherche à savoir ce dont il est capable par lui-même. « TOUT SEUL », dit-il à sa mère qui veut l’aider. A cet âge, l’enfant recherche la solitude et la liberté. Le contact avec les autres lui donne l’impression d’étouffer, d’être emprisonné. Il a besoin d’air et d’espace. Il met les autres à distance et consacre toute son énergie à explorer le monde qui l’entoure et à développer ses compétences.
L’interdépendance
L’enfant sait qu’il est une personne à part entière et qu’il a son identité propre, différente de celle de sa mère. Avec le langage, il peut communiquer avec autrui et lui exprimer ses sentiments et ses envies. En nommant ses désirs, il les reconnaît et peut les partager à autrui. Il peut aussi entendre ceux de l’autre. Sorti de la fusion ou de l’opposition, il peut alors réellement rencontrer l’autre dans une relation respectueuse des besoins de chacun.
Dépendance, contre-dépendance, indépendance, interdépendance. Quatre stades pour devenir autonome. Ce processus s’applique pour le développement de l’enfant mais se retrouve généralement dans tout processus de croissance. La maturation d’un couple, par exemple, suit les mêmes étapes. Le couple commence par une période très fusionnelle, c’est ce qu’on appelle communément la lune de miel. Les partenaires vont peu à peu avoir besoin de retrouver leur indépendance (en passant éventuellement par une phase d’opposition ou de contre-indépendance) avant de stabiliser leur couple dans une forme d’interdépendance : chacun se sent libre et autonome dans le couple tout en sachant qu’il peut compter sur l’autre en cas de besoin.
L’évolution d’un individu vers l’âge adulte traverse à nouveau ces différents stades. L’enfant est relativement dépendant de ses parents. Adolescent, il entre dans une période de rébellion vis-à-vis de ses géniteurs, c’est l’étape de la contre-dépendance. Puis, il quitte ses parents et mène sa vie de façon indépendante. Après avoir profité de cette liberté pendant un certain temps, il revient vers ses parents. Il est maintenant une personne à part entière et peut rencontrer ses parents dans une relation d’adulte à adulte. Il est alors dans l’interdépendance.
PRENDRE SOIN DE SES BESOINS
La personne autonome est une personne capable de prendre soin d’elle et de ses besoins, qu’il s’agisse de ses besoins physiologiques ou de ses besoins de sécurité, d’amour, de reconnaissance ou encore de réalisation de soi. Elle se sent responsable de ses différents besoins et prend en charge leur satisfaction.
On confond souvent l’autonomie avec l’indépendance. Certaines personnes ne veulent pas accepter l’aide d’autrui et mettent leur point d’honneur à faire tout, toute seules. Il s’agit alors plus d’indépendance que d’une réelle interdépendance.
Il y a des besoins qu’on ne peut combler uniquement par soi-même. Je pense par exemple aux besoins affectifs. Bien sûr qu’on peut développer un amour de soi stable qui offre une base solide pour nous permettre de développer des relations harmonieuses. Cependant, on ne peut pas s’aimer tout seul ! Nous avons besoin de créer des liens nourrissants avec autrui, nous avons besoin d’échanger de l’affection avec un autre être humain.
Être autonome à ce moment-là, veut dire que c’est nous qui allons veiller à ce que ces besoins affectifs soient comblés. Nous arrêtons d’attendre que les autres pourvoient à nos besoins sans même avoir besoin de leur nommer. Nous apprenons à faire les démarches nécessaires pour combler nos besoins relationnels. C’est ainsi que le mari qui trouve sa femme un peu distante peut lui exprimer son besoin de vivre plus de moments de proximité à deux ou lui partager son désir d’avoir davantage de gestes de tendresse au cours de la journée.
Autre exemple : la dame qui vient d’emménager dans une bourgade où elle ne connaît personne n’attendra pas des habitants de cette ville qu’ils l’accueillent à bras ouverts sans effort de sa part. Elle sait que ce sera à elle d’exprimer son besoin de faire de nouvelles connaissances et d’effectuer des démarches en vue de s’intégrer dans différentes activités locales.
Aller vers notre autonomie n’est donc pas un but atteint une fois pour toutes. C’est un chemin qui nous invite à déterminer nos valeurs et la direction que nous voulons suivre. Il nous convie à prendre la responsabilité de nos besoins tout en restant attentif à ceux des autres. C’est en prenant conscience de cette interdépendance fondamentale que nous apprenons à nous sentir libre et acteur de notre vie tout en étant en connexion avec les autres humains.



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